DEMARCHE ARTISTIQUE

Je suis artiste et mathématicienne, partageant mon temps entre une
recherche artistique que je poursuis depuis une vingtaine d'années d'une
part et une recherche en mathématique à titre professionnel d'autre part.

Sur le plan artistique, je travaille depuis plusieurs années à l' acrylique
et au pastel sec sur support papier ainsi que d'autres supports tels que
le plexiglas,  ma recherche portant  essentiellement  sur l'inscription
dans l'espace et dans le temps du mouvement du corps et de parties
du corps, et plus spécifiquement de corps de femmes.

Le thème du temps traverse mes oeuvres artistiques en filigrane; le  temps
s'y  étire, se contracte,  enfermant  des personnages qui tenteraient de
s'échapper. Ceux-ci butent  contre les bords de la feuille ou se cognent
contre un fond quadrillé qu'ils chercheraient à  traverser.
Un carrelage, qui est tout d'abord apparu timidement  dans mes oeuvres, a
petit à petit envahi la feuille, enserrant le personnage en son sein. Ces
carreaux évoquent  le temps qui enveloppe le personnage et qui avec ses
distorsions, semble parfois vouloir le happer.
Ces carreaux sont aussi ceux aussi ceux de la domesticité:  la nappe  de
la table de la cuisine, des torchons que l'on fait sécher au soleil, le
carrelage de la cuisine. A l'image de la  domesticité  qui est à la fois
rassurante et étouffante, ils semblent à première vue apaisants, tapissant
uniformément  le fond du tableau, pour dans un deuxième temps révéler des
irrégularités, des glissements de terrain, des mises en abîme inquiétantes.

Oscillant encore entre le cocon de la domesticité, un monde carrelé
traditionnellement féminin, et le monde du dehors, celui qu'on ne voit pas
sur la toile, la femme occidentale contemporaine hésite  à prendre son
envol. Les défauts inquiétants du carrelage qui l'entourent sur le papier
reflètent ses tergiversations intérieures .

Les carreaux ont disparu des peintures plus récentes,  où les personnages
se meuvent dans un environnement fluide. J'ai développé une technique de
peinture « en négatif » sur papier japonais, l'envers du tableau peint
étant celui qui est présenté, technique qui donne un aspect aqueux
au fond dont émergent ou  dans lequel se fondent les personnages.

Je poursuis l'exploration de cette technique « en négatif » en jouant sur
la notion de double que permet  la  superposition des couches de peinture
encore humide, les couleurs se mêlant parfois de manière inattendue.
Les tableaux intitulés « violences clownesques » en sont une illustration.
Dans une série de tryptiques « ascencions », le fond a été travaillé selon
cette technique, lui donnant un relief qui l'anime.

 

Le traitement  privilégié du sujet féminin  dans mes peintures est  lié à
mon intérêt pour la question de la place des femmes, dans la société en
général, dans les sciences et les mathématiques en particulier.
Cette réflexion sur la place de la femme se nourrit, entre autres, de
textes littéraires écrits par des femmes, dont certains ont laissé une
empreinte profonde sur moi, empreinte qui resurgit dans mes tableaux. Du
souhait de laisser une place sonore à ces textes aux côtés des tableaux
exposés, est née l'idée d'associer le son à l'image. Un travail s'est alors
mis en place avec le musicien Stephen Dedalus qui a fait des montages
sonores autour de textes littéraires que je lui ai proposés.

 

Jai  parallèlement eu l'occasion d'exposer dans le milieu carcéral féminin, 
à deux reprises, en 2004 au quartier des femmes de la maison d'arrêt de Riom,
puis en 2009 dans le centre pénitentiaire pour femmes de la ville de Rennes.
Les échanges avec quelques femmes incarcérées ont été très des expériences
fortes et stimulantes, leur perception des tableaux exposés différant
de celle que j'avais anticipée. Dans chacun des cas, une exposition  se tenait
simultanément hors et dans les murs, de manière à mettre en regard pour
les détenues de voir les tableaux exposés à l'extérieur, avec celle pour le public
l'impossibilté ordinaire d'avoir accès aux tableaux exposés dans l'enceinte
de la prison, engendrant ainsi une réflexion sur  l'enfermement qui faisat écho
à la thématique de l'enfermement dans le monde carrelé de certains tableaux.

 

Parallèlement au traitement artistique des thèmes évoqués, j'ai eu
l'occasion de mener une réflexion plus théorique comme co-auteure  d'un ouvrage
"Rencontres entre artistes et mathématiciennes", paru chez
l'Harmattan en 2001. Là encore, un thème privilégié est celui du temps, du
temps quelque peu morcelé de la femme, mère, chercheuse et  artiste

ACHYAP
A Chanat la Mouteyre,
Novembre 2009

 

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